Aux champs (Maupassant)
Résumé très court
Campagne française, fin du 19e siècle. Deux familles paysannes misérables, les Tuvache et les Vallin, vivaient côte à côte avec quatre enfants chacune. Un couple bourgeois sans enfant, les d'Hubières, proposa d'adopter le petit Charlot Tuvache contre une rente mensuelle. La mère refusa avec indignation.
Les d'Hubières firent la même proposition aux Vallin qui acceptèrent de céder leur fils Jean pour cent vingt francs par mois.
Pendant des années, la mère Tuvache insulta les Vallin, se vantant de n'avoir pas vendu son enfant. Vingt ans plus tard, Jean revint élégamment vêtu visiter ses parents biologiques. Charlot, voyant son ancien camarade devenu riche, reprocha amèrement à ses parents leur refus:
J'aimerais mieux n'être point né que d'être c' que j' suis. Quand j'ai vu l'autre, tantôt, mon sang n'a fait qu'un tour. Je m'suis dit : v'là c' que j' serais maintenant !
Déchiré par la jalousie et l'amertume, Charlot quitta ses parents.
Résumé détaillé
La division en chapitres est rédactionnelle.
Deux familles pauvres et leurs enfants
Au pied d'une colline près d'une petite ville de bains se dressaient deux chaumières côte à côte. Les familles Tuvache et Vallin y vivaient dans la pauvreté, travaillant dur sur une terre inféconde pour nourrir leurs nombreux enfants. Chaque ménage comptait quatre enfants, et les naissances s'étaient produites presque simultanément dans les deux maisons.
Les huit enfants grouillaient ensemble devant les deux portes du matin au soir. Les parents avaient du mal à distinguer leurs propres enfants dans ce tas et confondaient souvent leurs noms. Tous vivaient péniblement de soupe, de pommes de terre et de grand air, se nourrissant comme des animaux.
Larrivée du couple bourgeois et leur désir denfant
Par un après-midi d'août, une légère voiture s'arrêta devant les chaumières. Une jeune femme qui conduisait elle-même s'extasia devant le spectacle des enfants jouant dans la poussière.
Elle descendit de voiture, prit dans ses bras l'un des plus petits, celui des Tuvache, et le couvrit de baisers passionnés malgré ses joues sales et ses cheveux pommadés de terre. Son mari, habitué à ces élans, restait silencieux. La semaine suivante, elle revint, s'assit par terre, distribua gâteaux et bonbons à tous les enfants, jouant avec eux comme une gamine. Elle prit l'habitude de revenir quotidiennement, les poches pleines de friandises.
La proposition dadoption et les réactions opposées
Un matin, les époux d'Hubières pénétrèrent dans la demeure des Tuvache. Ils trouvèrent les paysans en train de fendre du bois. D'une voix tremblante, la jeune femme exprima son désir d'emmener leur petit garçon. Face à la stupéfaction des parents, son mari précisa leur intention :
Nous n'avons pas d'enfants ; nous sommes seuls, mon mari et moi… Nous le garderions… voulez-vous ? ... Nous voulons l'adopter, mais il reviendra vous voir.
La mère Tuvache se dressa, furieuse, refusant catégoriquement de vendre son enfant. Malgré l'offre généreuse - vingt mille francs pour l'enfant et une rente de cent francs par mois pour les parents - elle maintint son refus avec véhémence :
Vous voulez que j' vous vendions Charlot ? Ah ! mais non ; c'est pas des choses qu'on d'mande à une mère, ça ! Ah ! mais non ! Ce s'rait une abomination.
Éconduits, les d'Hubières se tournèrent vers les Vallin. Ceux-ci se montrèrent d'abord réticents, mais l'appât de l'argent les fit hésiter. Après négociation, ils acceptèrent cent vingt francs par mois.
Les années passent : fierté et amertume
Les Vallin touchèrent régulièrement leur pension mensuelle chez le notaire, tandis que les Tuvache demeuraient dans la misère. La mère Tuvache ne cessait d'agonir ses voisins d'injures, proclamant sa fierté de n'avoir pas vendu son enfant :
J' t'ai pas vendu, mé, j' t'ai pas vendu, mon p'tiot. J' vends pas m's éfants, mé. J' sieus pas riche, mais j' vends pas m's éfants.
Cette querelle dura des années. La mère Tuvache se croyait supérieure à toute la contrée, et son fils grandit dans l'idée qu'il valait mieux que ses camarades parce qu'on ne l'avait pas vendu. Pendant ce temps, les Vallin vivotaient à leur aise grâce à la pension.
Le retour de Jean et la révolte de Charlot
Vingt et un ans plus tard, une brillante voiture s'arrêta devant les chaumières. Un jeune homme élégant avec une chaîne de montre en or en descendit, accompagné d'une vieille dame aux cheveux blancs.
Jean Vallin retrouva ses parents biologiques avec émotion. Les vieux Vallin le présentèrent fièrement dans tout le village. De sa chaumière, Charlot observait ce défilé triomphal. Le soir même, il reprocha amèrement à ses parents leur décision d'autrefois :
Oui, j' vous le r'proche, que vous n'êtes que des niants. Des parents comme vous, ça fait l' malheur des éfants. Qu' vous mériteriez que j' vous quitte.
Ses parents pleuraient, atterrés par ces reproches. Charlot, entendant les Vallin festoyer avec leur fils retrouvé, déclara qu'il ne pourrait jamais leur pardonner. Il quitta définitivement la maison familiale en criant :
Manants, va ! Et il disparut dans la nuit.