Clochette (Maupassant)
Résumé très bref
Campagne française, vers la fin du XIXe siècle. Le jeune narrateur aimait passer du temps chaque mardi avec la mère Clochette, couturière de ses parents, qui lui racontait des histoires captivantes.
Un jour, après une chasse aux noisettes, le narrateur découvrit la mère Clochette morte dans la lingerie.
Caché ensuite dans le salon, il entendit le médecin révéler le secret douloureux de la vieille femme : jeune fille séduite, surprise par son patron, elle choisit la chute pour protéger son amant.
Hortense courut à la lucarne qui donnait sur la rue, l'ouvrit brusquement, puis d'une voix basse et résolue : « Vous viendrez me ramasser quand il sera parti, dit-elle. » Et elle sauta.
Résumé détaillé
La division en chapitres est éditoriale.
Le souvenir persistant de la mère Clochette
Le narrateur évoque un souvenir d'enfance qui le hante depuis des années. Malgré le temps écoulé, l'image de la mère Clochette reste vivace dans son esprit. Il s'étonne de la persistance de ce souvenir particulier, alors qu'il a vécu tant d'autres événements marquants au cours de sa vie.
Sont-ils étranges, ces anciens souvenirs qui vous hantent sans qu'on puisse se défaire d'eux ! Celui-là est si vieux, si vieux que je ne saurais comprendre comment il est resté si vif et si tenace dans mon esprit.
La vieille couturière et ses histoires naïves
La mère Clochette était une vieille couturière qui venait chaque mardi raccommoder le linge chez les parents du narrateur. Ces derniers habitaient une demeure de campagne appelée château, située près d'un village dominé par une église de briques rouges noircies par le temps.
C'était une femme grande et maigre, au visage étrangement poilu, avec une barbe qui poussait par touffes invraisemblables. Elle boitait d'une manière particulière, se balançant comme un navire à l'ancre. Le narrateur l'adorait et montait la rejoindre dans la lingerie dès qu'il était levé. Elle le forçait à s'asseoir sur sa chaufferette pour ne pas prendre froid.
Elle boitait, non pas comme boitent les estropiés ordinaires, mais comme un navire à l'ancre... Sa marche éveillait bien l'idée d'une tempête, tant elle se balançait en même temps ; et sa tête... semblait traverser l'horizon.
Derrière ses lunettes aux verres grossissants, ses yeux paraissaient énormes. Elle racontait au jeune garçon des histoires simples du village : une vache égarée retrouvée devant un moulin, un œuf mystérieusement pondu dans le clocher de l'église, ou encore un chien ayant retrouvé la culotte volée de son maître. Ces récits naïfs prenaient dans l'esprit de l'enfant des proportions de drames inoubliables.
La mort soudaine de la mère Clochette
Un mardi, après avoir passé la matinée à écouter la mère Clochette, le narrateur décida de retourner la voir dans l'après-midi, après être allé cueillir des noisettes avec le domestique au bois des Hallets. En ouvrant la porte de la lingerie, il découvrit la vieille couturière étendue sur le sol, immobile.
Or, en ouvrant la porte de la lingerie, j'aperçus la vieille couturière étendue sur le sol, à côté de sa chaise, la face par terre, les bras allongés, tenant encore son aiguille d'une main, et de l'autre, une de mes chemises.
Terrifié, l'enfant s'enfuit en poussant des cris. On accourut et il apprit que la mère Clochette était morte. Bouleversé, il descendit au salon et se cacha dans un coin sombre d'une bergère où il se mit à genoux pour pleurer. Il y resta longtemps, jusqu'à la tombée de la nuit.
La révélation du médecin sur le passé héroïque d'Hortense
Alors qu'il était toujours caché dans sa bergère, le narrateur entendit son père et sa mère entrer dans le salon avec le médecin. Ce dernier expliquait les causes de l'accident, puis accepta un verre de liqueur. Il commença alors à raconter l'histoire de la mère Clochette, qui fut sa première cliente.
Selon le médecin, la mère Clochette, qui s'appelait alors Hortense, s'était cassé la jambe à l'âge de dix-sept ans. À cette époque, elle était une très belle fille qui travaillait comme couturière chez le maître d'école, le père Grabu. Elle tomba amoureuse du jeune aide-instituteur, un séducteur qui faisait le dédaigneux avec les filles du village.
Un soir, ils se donnèrent rendez-vous dans le grenier de l'école. Mais le maître d'école les surprit. Tandis que l'aide-instituteur tentait maladroitement de se justifier, le père Grabu descendit chercher une chandelle pour vérifier s'il était seul. Pris de panique, le jeune homme pressa Hortense de se cacher. Entendant la clé tourner à nouveau dans la serrure, la jeune fille ouvrit la lucarne qui donnait sur la rue et sauta.
L'aide-instituteur vint chercher le médecin qui trouva la jeune fille au pied du mur, incapable de se lever, la jambe droite brisée à trois endroits. Pour protéger sa réputation, le médecin inventa une histoire d'accident de voiture. Les parents d'Hortense le crurent, et la gendarmerie chercha en vain l'auteur de cet accident pendant un mois.
Le médecin conclut son récit en affirmant qu'Hortense fut une véritable héroïne qui mourut vierge, son sacrifice ayant été son seul amour. Il l'admirait profondément pour sa dignité et son courage.
« Voilà ! Et je dis que cette femme fut une héroïne, de la race de celles qui accomplissent les plus belles actions historiques. Ce fut là son seul amour. Elle est morte vierge. C'est une martyre, une grande âme, une Dévouée sublime ! »
L'émotion du narrateur face à la vérité
Après avoir entendu cette histoire, la mère du narrateur se mit à pleurer. Son père prononça quelques mots que l'enfant ne comprit pas bien, puis les adultes quittèrent la pièce. Le narrateur resta à genoux dans sa bergère, sanglotant, tandis qu'il entendait des bruits de pas lourds dans l'escalier : on emportait le corps de la mère Clochette.
Et je restai à genoux sur ma bergère, sanglotant, pendant que j'entendais un bruit étrange de pas lourds et de heurts dans l'escalier. On emportait le corps de Clochette.