En attendant Godot (Beckett)
Court Résumé
Une route isolée à la campagne, au pied d'un arbre presque nu. Deux vagabonds, Vladimir et Estragon, s'y trouvaient pour attendre l'arrivée incertaine de quelqu'un nommé Godot.
Tandis qu'ils parlaient pour tromper leur ennui, deux hommes passèrent : Pozzo, un maître arrogant et autoritaire, et Lucky, son serviteur humilié et attaché par une corde. Pozzo affirma être le propriétaire des lieux et ordonna à Lucky de danser, puis de penser tout haut dans une tirade confuse.
POZZO. – Elles accouchent à cheval sur une tombe, le jour brille un instant, puis c'est la nuit à nouveau.
Après leur départ survint un garçon envoyé par Godot, annonçant qu'il ne viendrait pas ce jour, mais sûrement le lendemain. Vladimir et Estragon décidèrent de rester. Le lendemain, au même endroit, les deux amis attendaient à nouveau. L'arbre avait quelques feuilles, mais Godot demeurait absent. Pozzo et Lucky reparurent misérables : Pozzo, devenu aveugle, et Lucky, désormais muet, tombèrent ensemble et demandèrent de l'aide aux deux vagabonds.
Une fois repartis, le garçon revint avec le même message qu'auparavant : Godot viendrait sûrement demain. Vladimir et Estragon envisagèrent de mettre fin à leurs jours en se pendant à l’arbre, mais leur corde céda. Malgré le désespoir, ils décidèrent de revenir le lendemain, perpétuant leur attente.
Résumé détaillé par actes
Les titres des actes et leur division en sections sont éditoriaux.
Acte 1. L'attente commence
Vladimir et Estragon se retrouvent et contemplent le suicide
Sur une route de campagne déserte, près d'un arbre solitaire, Estragon tentait d'enlever sa chaussure lorsque Vladimir arriva. Les deux vagabonds se retrouvèrent avec un mélange de familiarité et d'incertitude. Vladimir semblait heureux de revoir son ami, qu'il croyait parti pour toujours, tandis qu'Estragon paraissait plus détaché. Ils échangèrent sur leurs situations respectives : Estragon avait passé la nuit dans un fossé où il avait été battu, comme souvent.
Vladimir évoqua l'histoire des deux larrons crucifiés avec le Christ, s'interrogeant sur les différentes versions des évangiles. Estragon, peu intéressé par ces considérations théologiques, continuait de lutter avec sa chaussure. Après avoir finalement réussi à l'enlever, il examina son pied douloureux et décida de le laisser à l'air libre. Leur conversation dériva vers la possibilité du repentir, ce qui amena Estragon à suggérer qu'ils auraient peut-être dû se repentir d'être nés.
VLADIMIR. – Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? ESTRAGON. – On attend. VLADIMIR. – Oui, mais en attendant ? ESTRAGON. – Si on se pendait ? VLADIMIR. – Ce serait un moyen de bander.
Ils envisagèrent alors de se pendre à l'arbre, mais s'inquiétèrent de la solidité de la branche et de l'ordre dans lequel ils devraient procéder. Estragon expliqua que si lui, plus léger, se pendait en premier et que la branche tenait, Vladimir, plus lourd, pourrait ensuite se pendre à son tour. Mais si la branche cassait sous le poids de Vladimir, Estragon mourrait seul. Cette logique les conduisit à abandonner temporairement l'idée du suicide.
Vladimir rappela alors qu'ils attendaient Godot, et qu'ils devaient rester là. Estragon, incertain, demanda s'ils étaient au bon endroit et au bon jour. Vladimir affirma que c'était bien samedi qu'ils devaient attendre, près de cet arbre, mais il n'était pas totalement sûr. Estragon suggéra qu'ils étaient peut-être venus la veille, ce que Vladimir nia fermement. Leur confusion temporelle et spatiale révélait la nature cyclique et incertaine de leur attente.
VLADIMIR. – On attend Godot. ESTRAGON. – C'est vrai. VLADIMIR. – Peut-être qu'il viendra ce soir. ESTRAGON. – Et puis après-demain. VLADIMIR. – Peut-être. ESTRAGON. – Et ainsi de suite.
L'arrivée de Pozzo et Lucky
Leur attente fut interrompue par l'arrivée de deux personnages étranges : Pozzo, un homme autoritaire, et Lucky, son serviteur. Lucky était attaché à une longue corde tenue par Pozzo et portait une lourde valise, un siège pliant, un panier à provisions et un manteau. Vladimir et Estragon se demandèrent d'abord si Pozzo était Godot, mais celui-ci s'identifia clairement et s'offusqua d'être confondu avec quelqu'un d'autre.
Pozzo s'installa confortablement, ordonnant à Lucky de lui apporter son pliant et son panier de nourriture. Il mangea du poulet avec voracité, jetant les os après les avoir sucés. Estragon, affamé, demanda les os, mais Pozzo expliqua qu'ils revenaient normalement à Lucky. Étrangement, Lucky refusa les os pour la première fois, ce qui inquiéta Pozzo.
Vladimir s'indigna de la façon dont Pozzo traitait Lucky. Pozzo expliqua alors que Lucky était autrefois un bon serviteur qui l'aidait et le divertissait, mais qu'il était devenu un fardeau. Il envisageait de le vendre au marché de Saint-Sauveur. Quand Vladimir demanda pourquoi Lucky ne déposait jamais ses bagages, Pozzo répondit que c'était une stratégie de Lucky pour l'attendrir et le dissuader de s'en séparer.
Pour divertir Vladimir et Estragon, Pozzo ordonna à Lucky de danser. Lucky exécuta une danse étrange que Pozzo appela "la danse du filet", expliquant que Lucky se croyait empêtré dans un filet. Ensuite, Pozzo demanda à Lucky de penser. Pour cela, Vladimir dut lui remettre son chapeau. Lucky entama alors un long monologue incohérent, mêlant références académiques, observations sur la condition humaine et phrases décousues, jusqu'à ce que Vladimir lui arrache son chapeau, le faisant taire.
Après cet épisode, Pozzo annonça son départ. Il chercha sa montre mais ne la trouva pas, ce qui provoqua une scène comique où tous cherchèrent la montre sur lui et autour de lui. Finalement, Pozzo et Lucky partirent, laissant Vladimir et Estragon seuls à nouveau.
Après le départ de Pozzo: l'attente continue
Après le départ de Pozzo et Lucky, Vladimir et Estragon reprirent leur attente. Estragon, qui s'était endormi pendant une partie de la visite, demanda à Vladimir de lui raconter ce qui s'était passé. Vladimir refusa, ne supportant pas que son ami lui raconte ses rêves. Estragon suggéra qu'ils pourraient se séparer, mais Vladimir lui rappela qu'il ne survivrait pas longtemps sans lui.
ESTRAGON. – Rien ne se passe, personne ne vient, personne ne s'en va, c'est terrible.
Ils discutèrent de la possibilité de partir, mais Vladimir insista sur le fait qu'ils devaient attendre Godot. Estragon se demanda s'ils étaient liés à Godot d'une manière ou d'une autre. Vladimir expliqua qu'ils lui avaient adressé une sorte de prière, une vague supplique, et que Godot avait promis de réfléchir à leur demande sans s'engager fermement. Ils s'interrogèrent sur leur rôle dans cette relation, Vladimir suggérant qu'ils avaient perdu leurs droits.
Le messager de Godot
Alors que le jour déclinait, un jeune garçon apparut. Il s'approcha timidement et demanda "Monsieur Albert?", s'adressant à Vladimir. Le garçon expliqua qu'il était envoyé par Monsieur Godot pour informer que celui-ci ne viendrait pas ce soir, mais sûrement demain. Vladimir interrogea le garçon sur sa vie : il gardait les chèvres pour Monsieur Godot, tandis que son frère gardait les brebis. Godot battait son frère mais pas lui.
Après le départ du garçon, la nuit tomba brusquement. Estragon suggéra qu'ils partent, mais Vladimir rappela qu'ils ne pouvaient pas. Estragon décida de dormir et laissa ses chaussures près de la rampe. Vladimir lui couvrit les épaules avec son veston. Ils évoquèrent un souvenir commun, lorsqu'Estragon avait tenté de se noyer dans la Durance et que Vladimir l'avait sauvé. Finalement, ils décidèrent de partir, mais restèrent immobiles alors que le rideau tombait.
Acte 2. Un jour de plus
Vladimir et Estragon se retrouvent à nouveau
Le lendemain, au même endroit, l'arbre portait désormais quelques feuilles. Les chaussures d'Estragon étaient toujours près de la rampe, et le chapeau de Lucky gisait au même endroit. Vladimir entra vivement, examina l'arbre, les chaussures, et se mit à chanter une chanson circulaire sur un chien qui vole une andouillette et est tué puis enterré par d'autres chiens.
Estragon arriva, pieds nus et tête basse. Vladimir voulut l'embrasser, mais Estragon le repoussa, demandant à ne pas être touché. Il semblait avoir été battu à nouveau. Vladimir lui demanda où il avait passé la nuit, mais Estragon ne répondit pas directement. Vladimir avoua qu'il s'était senti seul et qu'il était content de le revoir, bien qu'il ait aussi apprécié sa solitude. Estragon suggéra qu'ils se séparent, mais Vladimir lui rappela qu'il revenait toujours.
VLADIMIR. – Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent.
Des jeux pour passer le temps
Vladimir attira l'attention d'Estragon sur l'arbre, qui avait maintenant des feuilles alors qu'il était nu la veille. Estragon ne se souvenait pas d'être venu la veille, ce qui frustra Vladimir. Il tenta de lui rappeler leur rencontre avec Pozzo et Lucky, mais Estragon n'en avait qu'un vague souvenir. Vladimir insista sur le fait qu'ils étaient au même endroit hier, mais Estragon affirma avoir passé toute sa vie dans cette région qu'il appelait dédaigneusement "la Merdecluse", niant avoir jamais été dans le Vaucluse comme le prétendait Vladimir.
ESTRAGON. – Nous sommes déjà venus hier. VLADIMIR. – Ah non, là tu te goures. ESTRAGON. – Qu'est-ce que nous avons fait hier ? VLADIMIR. – Ce que nous avons fait hier ?
Pour passer le temps, ils tentèrent diverses activités. D'abord, ils essayèrent de converser calmement, évoquant les voix des morts qui murmurent autour d'eux. Puis ils s'exercèrent à se contredire mutuellement dans un échange absurde. Ils firent ensuite des exercices physiques : sauts, respirations, et "l'arbre" pour l'équilibre. Estragon, faisant l'arbre en titubant, s'écria : "Dieu ait pitié de moi !"
Vladimir remarqua le chapeau de Lucky et le mit à la place du sien. S'ensuivit une séquence comique où les deux hommes échangèrent leurs chapeaux dans diverses combinaisons. Vladimir proposa ensuite de jouer à Pozzo et Lucky. Il prit le rôle de Lucky, ployant sous le poids de bagages imaginaires, tandis qu'Estragon devait jouer Pozzo et lui donner des ordres. Ce jeu se termina rapidement quand Estragon annonça qu'il voulait partir.
Le retour de Pozzo aveugle et Lucky
Soudain, Estragon aperçut quelqu'un qui venait et courut se cacher. C'étaient Pozzo et Lucky qui revenaient. Pozzo était devenu aveugle et tenait Lucky par une corde beaucoup plus courte. Lucky portait toujours les bagages, mais avait un nouveau chapeau. En avançant, Pozzo trébucha contre Lucky et tous deux tombèrent à terre, incapables de se relever.
Estragon crut d'abord que c'était Godot. Vladimir et lui débattirent pour savoir s'ils devaient aider Pozzo, qui appelait au secours. Vladimir voulait l'aider, voyant là une occasion de donner un sens à leur existence, mais Estragon hésitait. Quand ils tentèrent finalement de relever Pozzo, ils tombèrent à leur tour et se retrouvèrent tous immobilisés.
Pozzo ne reconnut pas Vladimir et Estragon et ne se souvenait pas de leur rencontre de la veille. Quand Vladimir lui demanda depuis quand il était aveugle, Pozzo s'emporta contre cette obsession du temps. Il prononça alors une réflexion sur la brièveté de l'existence humaine : "Elles accouchent à cheval sur une tombe, le jour brille un instant, puis c'est la nuit à nouveau."
VLADIMIR. – Mais n'erre-t-elle pas déjà dans la nuit permanente des grands fonds, voilà ce que je me demande parfois. Tu suis mon raisonnement ?
Vladimir et Estragon apprirent également que Lucky était devenu muet. Avec difficulté, ils aidèrent Pozzo à se relever et à reprendre sa route avec Lucky. Après leur départ, Estragon s'endormit à nouveau. Vladimir le réveilla, et ils discutèrent brièvement avant qu'Estragon ne remarque que ses pieds lui faisaient mal.
Le second message de Godot
Alors que Vladimir réfléchissait à la nature de leur existence et de leur mémoire, un garçon entra - apparemment le même que la veille, bien qu'il niât être déjà venu. Il apportait le même message : Monsieur Godot ne viendrait pas ce soir, mais sûrement demain. Vladimir lui demanda si Godot avait une barbe, et le garçon répondit qu'elle était blanche.
VLADIMIR. – Est-ce que j'ai dormi, pendant que les autres souffraient ? Est-ce que je dors en ce moment ? Demain, quand je croirai me réveiller, que dirai-je de cette journée ?
La décision finale: continuer d'attendre
Après le départ du garçon, la nuit tomba à nouveau. Estragon se réveilla et voulut partir, mais Vladimir lui rappela qu'ils devaient revenir le lendemain pour attendre Godot. Estragon suggéra d'apporter une corde le lendemain, faisant allusion au suicide. Vladimir évoqua leurs cinquante années passées ensemble, rappelant à nouveau l'épisode où Estragon avait tenté de se noyer dans la Durance.
VLADIMIR. – On se pendra demain. (Un temps.) À moins que Godot ne vienne. ESTRAGON. – Et s'il vient ? VLADIMIR. – Nous serons sauvés.
Ils contemplèrent l'arbre, se demandant s'il serait assez solide pour se pendre. Estragon essaya d'enlever sa ceinture pour l'utiliser comme corde, mais son pantalon tomba. La ceinture se rompit quand ils testèrent sa solidité. Vladimir demanda à Estragon de remonter son pantalon, et ils décidèrent de partir. Pourtant, comme à la fin du premier acte, ils restèrent immobiles tandis que le rideau tombait.
ESTRAGON. – Toute ma vie je me suis comparé à lui. VLADIMIR. – Mais là-bas il faisait chaud ! Il faisait bon ! ESTRAGON. – Oui. Et on crucifiait vite.