Fort comme la mort (Maupassant)
Résumé très court
Paris, fin du XIXe siècle. Olivier Bertin vivait une liaison secrète avec la comtesse de Guilleroy depuis de nombreuses années.
Leur amour était né lorsqu'il avait peint son portrait. La comtesse entretenait cette relation avec passion, craignant constamment de le perdre.
Après trois ans d'absence, Annette, la fille de la comtesse, revint à Paris.
Olivier fut frappé par la ressemblance troublante entre la mère et la fille. Les parents arrangèrent le mariage d'Annette avec le marquis de Farandal. Plus Olivier fréquentait les deux femmes, plus il se sentait attiré par Annette, qui ravivait en lui le souvenir de la comtesse jeune. À la mort de la mère de la comtesse, ils se rendirent à Roncières. Là, Olivier fut submergé par ses sentiments confus. La comtesse, torturée par la jalousie, comprit qu'Olivier tombait amoureux de sa fille. Elle le confronta, mais il nia, incapable d'admettre la vérité. De retour à Paris, la comtesse souffrait de voir sa jeunesse s'enfuir tandis qu'Annette rayonnait. Le mariage approchait. Olivier, désespéré par cet amour impossible, déclara à la comtesse :
Je vous ai aimée autant qu'on peut aimer une femme. Elle, je l'aime comme vous, puisque c'est vous ; mais cet amour est devenu quelque chose d'irrésistible, de destructeur, de plus fort que la mort.
Un article dénigrant son art acheva de le briser. Errant dans Paris, il fut renversé par un omnibus. Sur son lit de mort, il demanda à voir Annette une dernière fois et mourut après avoir fait brûler ses lettres d'amour.
Résumé détaillé par parties et chapitres
Les titres des chapitres sont éditoriaux.
Première partie
Chapitre 1. Olivier Bertin, peintre célèbre : le début de sa liaison avec la comtesse de Guilleroy
Dans son atelier parisien imprégné d'odeurs de peinture et de tabac, Olivier Bertin, peintre célèbre mais inquiet, cherchait l'inspiration pour un nouveau tableau. Malgré sa fortune et sa renommée, il se sentait vidé, craignant d'avoir épuisé ses sujets artistiques. Allongé sur son divan, il feuilletait ses esquisses avec dégoût avant de saisir un haltère pour s'exercer devant un miroir.
Soudain, la comtesse de Guilleroy entra dans l'atelier sans être annoncée. Olivier fut frappé par sa beauté et sa nouvelle robe. Il l'admira avec l'œil d'un artiste, touchant l'étoffe et ajustant les plis. Bien qu'elle ne fût plus très jeune, la comtesse possédait une beauté mature et une vitalité parisienne. Après un bref échange, ils s'embrassèrent tendrement.
La comtesse découvrit une esquisse de la princesse de Pontève et exprima sa jalousie à l'idée qu'Olivier fasse des portraits de femmes. Elle l'interrogea minutieusement sur la princesse, cherchant des détails, et lui demanda si elle était "coquette" avec lui, ce qu'il nia. Elle lui exprima alors son attachement exclusif, le touchant par cette déclaration d'amour possessif.
La comtesse invita Olivier à dîner le vendredi pour fêter le retour de sa fille Annette, qu'il n'avait pas vue depuis trois ans. Annette avait été élevée à la campagne par sa grand-mère, et la comtesse l'avait tenue éloignée de Paris pour préparer son entrée dans le monde. Le père d'Annette avait un projet de mariage pour elle avec le marquis de Farandal, information confidentielle qu'il partageait avec Olivier.
Olivier se remémorait le début de leur liaison. Il se rappelait leur première rencontre chez la duchesse de Mortemain, où il fut ébloui par la comtesse alors en deuil. Il exprima son désir de la peindre, ce qui lui valut une invitation à déjeuner. Pendant les séances de pose, une intimité rapide se développa entre eux, et elle ressentit le désir de le séduire.
Chapitre 2. Le retour dAnnette et les mondanités parisiennes
Olivier Bertin arriva chez ses amis pour un dîner destiné à célébrer le retour d'Annette de Guilleroy. Il rencontra d'abord M. de Musadieu, homme âgé et érudit, ancien conservateur des musées impériaux et inspecteur des Beaux-Arts, connu pour ses relations sociales et sa capacité à simplifier les sujets complexes pour la haute société.
Les deux hommes engagèrent immédiatement une discussion sur la situation politique et les rumeurs de guerre. Le comte de Guilleroy, député, se joignit à la conversation, offrant un point de vue contrasté sur les rumeurs de guerre. L'arrivée de la duchesse de Mortemain, femme puissante et influente de la société parisienne, déplaça l'attention.
Mme de Guilleroy entra avec sa fille Annette. Les deux femmes, se ressemblant étonnamment, furent accueillies avec admiration. Une discussion s'ensuivit sur leur ressemblance, certains notant des différences, d'autres soulignant leurs similitudes. Le marquis de Farandal arriva plus tard, faisant une entrée théâtrale et évaluant Annette d'un œil connaisseur.
Chapitre 3. Promenades et premiers troubles : la ressemblance troublante dAnnette avec sa mère
Olivier reçut un billet de la comtesse qui s'impatientait de son absence. Leur relation était facilitée par la vie mondaine, se voyant presque quotidiennement. Olivier appréciait cette affection mûrie qui comblait son besoin de compagnie tout en préservant sa solitude. Après trois jours sans les voir, il décida de se rendre chez elle où il apprit qu'elle se préparait pour une promenade au bois.
Annette invita Olivier à les accompagner au bois de Boulogne avec la duchesse. Pendant le trajet, Olivier observa la mère et la fille, notant leur ressemblance frappante mais aussi leurs différences générationnelles. Au bois, ils croisèrent de nombreuses personnalités de la haute société. Annette, naïve et curieuse, demandait l'identité des personnes rencontrées et critiquait la beauté de certaines femmes.
Olivier proposa un déjeuner chez lui après-demain, que la comtesse accepta avec enthousiasme. Au Cercle, il se sentit revigoré et participa à un assaut d'escrime. Après le dîner avec ses amis, il écouta une symphonie de Haydn qui le plongea dans ses rêveries, revoyant la comtesse et sa fille.
Le surlendemain, Olivier déjeuna chez lui avec la comtesse, Annette et la duchesse. Après le repas, il proposa à Annette de la raccompagner à pied au parc Monceau. Dans le parc, Annette fut fascinée par les enfants et exprima son désir maternel. Assis près de l'eau, Olivier fut envahi par des souvenirs lointains. Il réalisa que la voix d'Annette lui rappelait celle de sa mère jeune, provoquant un trouble profond.
De cette ressemblance naturelle et voulue, réelle et travaillée, était née dans l'esprit et dans le cœur du peintre l'impression bizarre d'un être double, ancien et nouveau.
Chapitre 4. Au vernissage : jalousie naissante envers le marquis de Farandal
Au Palais de l'Industrie, lors du vernissage d'une exposition d'art, une foule immense s'était rassemblée. Olivier Bertin était présent avec ses confrères célèbres. Malgré les félicitations, il ressentait un malaise concernant le succès de son œuvre. La duchesse, la comtesse et Annette arrivèrent, accompagnées de M. de Musadieu. À la surprise et au déplaisir d'Olivier, le marquis de Farandal était également présent chez Ledoyen, empressé auprès d'Annette.
Olivier était irrité par la présence du marquis et son attitude envers Annette, qu'il percevait comme une violation de ses propres droits mystérieux. Son comportement changea : il n'était plus le vieil ami somnolent, mais cherchait à plaire, à être brillant. Il revenait désormais chaque fois qu'elles étaient seules, passant des soirées douces. La comtesse comprenait qu'Annette l'attirait presque autant qu'elle-même.
Deuxième partie
Chapitre 1. Correspondance douloureuse : la mort de la mère dAny et la séparation
Une série de lettres révéla la profonde connexion émotionnelle entre Any et Olivier. Any informa Olivier de la mort de sa mère à Roncières et de leur départ immédiat. Elle décrivit l'immense vide laissé par l'enterrement de sa mère, soulignant la nature unique de l'amour maternel. Olivier répondit en exprimant sa propre détresse et son sentiment d'abandon depuis son départ, décrivant son incapacité à déambuler sans but dans Paris.
On aime sa mère presque sans le savoir, sans le sentir, car cela est naturel comme de vivre ; et on ne s'aperçoit de toute la profondeur des racines de cet amour qu'au moment de la séparation dernière.
Chapitre 2. À Roncières : Olivier face à la jeunesse éclatante dAnnette
La comtesse et Annette déjeunaient dans la vaste salle de Roncières, vêtues de crêpe noir. L'arrivée d'Olivier fut annoncée par un télégraphe, provoquant l'angoisse de la comtesse qui craignait son regard après les ravages de la souffrance. Elle décida de l'attendre dans le salon, à l'abri de la lumière du jour, consciente de la fraîcheur d'Annette à ses côtés.
À l'arrivée d'Olivier, la comtesse l'accueillit avec une émotion intense. Olivier fut frappé par la ressemblance d'Annette avec la comtesse jeune, exprimant son étonnement et son admiration pour la fille. Le soir, ils se promenèrent dans le parc. Olivier exprimait son bonheur et son amour pour la comtesse, bien que d'une manière plus pragmatique, liée à son âge.
Le lendemain, Olivier jouait au tennis avec Annette, qui était pleine d'énergie et de vivacité. Absorbé par le jeu, il n'accordait qu'un regard distrait à la comtesse, ce qui l'attristait. Ils visitèrent ensuite le cimetière pour la tombe de la mère de la comtesse. Olivier était de plus en plus fasciné par Annette, qui lui rappelait la jeunesse de la comtesse. Il se sentait tiraillé entre les deux femmes, les confondant presque dans son esprit.
La comtesse ressentait une tristesse et une appréhension inexpliquées. Elle observa Olivier se promener seul sous sa fenêtre, se sentant blessée de ne pas avoir été invitée. Le lendemain, son visage était marqué par le chagrin. Elle décida de partir immédiatement pour Paris, réalisant qu'elle ne devait plus se montrer en plein soleil à côté d'Annette.
Chapitre 3. Retour à Paris : les soupçons de la comtesse et laveu des sentiments
De retour à Paris, la comtesse se sentait apaisée et rassurée dans l'ombre de sa demeure. Bertin attira l'attention sur Annette, la plaçant sous le portrait de sa mère et soulignant leur ressemblance frappante. La duchesse et Musadieu furent stupéfaits par cette ressemblance, tandis que la comtesse se sentait mal à l'aise, son cœur se serrant. Une fois seule dans son lit, les angoisses ressurgirent plus intenses.
Bertin demanda à la comtesse et Annette de venir chez lui pour une séance de pose. À l'atelier, il voulait peindre Annette en 'Rêveuse'. Pendant qu'Annette lisait 'Les Pauvres Gens' de Victor Hugo, Bertin, ému par sa présence, avait du mal à se concentrer. Quand Annette finit de lire, les larmes aux yeux, Bertin fut stupéfait par sa beauté, mais il fut choqué par le visage livide et convulsé de la comtesse.
Chapitre 4. Troubles et jalousie : Olivier face à ses sentiments pour Annette
Olivier, troublé, rentra chez lui après avoir été confronté à des sentiments complexes envers Annette. Il tenta de comprendre la nature de son trouble, se demandant s'il était amoureux d'Annette. Il conclut que son attirance pour elle était similaire à des désirs "obscurs et innocents". Il réalisa que la ressemblance frappante d'Annette avec sa mère ravivait en lui des émotions anciennes, comme un "réveil" de son amour passé.
Ma fille me ressemble trop, elle est trop tout ce que j'étais autrefois quand vous avez commencé à m'aimer, pour que vous ne vous mettiez pas à l'aimer aussi.
Il se rendit chez les Guilleroy et apprit que la comtesse était sortie, mais qu'Annette était là. Il ressenti une "joie vive" et demanda à la voir. Il lui expliqua qu'il était venu pour l'emmener choisir le bluet en saphirs. Ils partirent tous les trois chez le bijoutier Montara. Olivier choisit quatre saphirs pour le bluet, puis proposa à la comtesse de choisir deux bagues en souvenir de Roncières.
Chapitre 5. Lobsession du vieillissement et les préparatifs du mariage
La comtesse était tourmentée par l'idée fixe qu'Olivier, en revoyant Annette, les comparait constamment. Cette obsession la rongeait, la faisant se sentir dépossédée. Elle souhaitait inconsciemment éloigner Annette pour préserver sa relation avec Olivier. Le mariage fut rapidement arrangé avec le marquis de Farandal, et celui-ci commença à offrir des cadeaux. Olivier continuait de dîner régulièrement chez eux et apportait également des cadeaux.
Les idées fixes ont la ténacité rongeuse des maladies incurables. Une fois entrées en une âme, elles la dévorent, ne lui laissent plus la liberté de songer à rien.
Le jour de la réouverture des Chambres, Olivier arriva de façon inattendue et fut choqué de voir le marquis installé comme un fiancé, réalisant la dissimulation du mariage. Une colère confuse le submergea. Après le départ des autres, la comtesse et Olivier restèrent seuls. Elle le supplia d'avouer qu'il aimait Annette, mais il nia avec véhémence. Elle se mit à genoux, sanglotant, et il ressentit une immense pitié en voyant ses cheveux blonds mêlés de blanc.
Olivier descendit l'escalier, marcha sans but, étourdi. Il réalisa qu'il aimait Annette avec désespoir, sachant qu'il n'aurait rien d'elle et qu'un autre l'épouserait. Cette pensée le torturait. Il se sentait terrifié par cet amour pour une jeune fille qu'il connaissait si peu, alors qu'il était lui-même en fin de vie. La comtesse était obsédée par le vieillissement, se regardant constamment dans les miroirs, cherchant les signes de l'usure du temps.
Chapitre 6. La soirée à lOpéra, laccident et la mort dOlivier
Au Palais de l'Industrie, une foule immense s'était rassemblée pour assister à une représentation de Faust avec Emma Helsson et Montrosé. Dans une loge, la duchesse, Annette, le comte, le marquis, Bertin et M. de Musadieu étaient installés. Olivier observait la scène avec une jalousie et une souffrance profondes, son amour secret pour Annette le rongeant. Une phrase chantée par Montrosé, "Je veux la jeunesse", le frappa particulièrement.
Olivier était irrité par la présence du marquis et son attitude envers Annette. Il exécrait le ténor qui éveillait l'âme de la jeune fille et souffrait en voyant le succès du chanteur. Le lendemain matin, son valet le trouva pâle et indisposé. Olivier lut Le Figaro et découvrit un article qui dénigrait son art, le qualifiant d'"Art démodé d'Olivier Bertin". Cette critique le blessa profondément.
Sait-on, sait-on jamais pourquoi une figure de femme a tout à coup sur nous la puissance d'un poison? Il semble qu'on l'a bue avec les yeux, qu'elle est devenue notre pensée et notre chair!
Il se rendit chez la comtesse et trouva Annette seule, écrivant une lettre. Annette le quitta rapidement pour sa couturière, sans un mot d'affection. Olivier fut bouleversé. La comtesse entra et, voyant son visage livide, comprit sa souffrance. Il avoua son malheur et elle le consola. Plus tard dans la nuit, la comtesse entendit la sonnette. C'était un cocher avec une lettre urgente du Dr de Rivil annonçant qu'Olivier avait été renversé par un omnibus.
La comtesse se précipita chez Olivier avec son mari. Elle fut horrifiée par l'apparence blême et décomposée d'Olivier. Seule avec lui, elle lui demanda s'il s'était jeté sous la voiture, ce qu'il nia. Il lui demanda de lui faire une promesse : lui amener Annette, car il ne voulait pas mourir sans l'avoir revue. Il lui demanda aussi de brûler ses lettres d'amour. Elle ouvrit le tiroir, découvrit une pile de lettres et les jeta dans la cheminée. Olivier mourut paisiblement, le visage détendu et apaisé par l'oubli éternel.