Gobseck (Balzac)
Très court résumé
Paris, hiver 1829-1830. Au salon de la vicomtesse de Grandlieu, l�27avoué Derville raconta une affaire marquante liée aux finances du comte Ernest de Restaud, héritier potentiel courtisé par sa fille Camille. Derville évoqua un singulier voisin rencontré autrefois, Jean-Esther Van Gobseck.
À cette époque, Derville travaillait comme clerc de notaire. Un jour, Gobseck eut à traiter l�27affaire délicate d�27Anastasie de Restaud, qui cherchait à cacher une dette en gageant ses diamants pour Maxime de Trailles, son amant.
Surpris par son mari, le comte de Restaud, l�27incident devint scandaleux. Plus tard, le comte chargea secrètement Gobseck, par l�27intermédiaire de Derville devenu avoué prospère, de préserver sa fortune destinée principalement à son fils aîné contre les excès d�27Anastasie.
Lorsque le comte mourut, Anastasie, paniquée à l�27idée d�27être déshéritée, fouilla toute la chambre mortuaire, détruisant les papiers qu�27elle croyait nuisibles.
Quel spectacle s'offrit à nos regards ! Un affreux désordre régnait... Échevelée par le désespoir, les yeux étincelants, la comtesse demeura debout, interdite...
Mais ces actes avaient transféré irréversiblement les biens au nom de l�27usurier. Après la mort de Gobseck, Derville découvrit que l�27usurier avait fidèlement conservé la fortune qui revint finalement au jeune Ernest de Restaud, lui permettant ainsi d�27épouser Camille de Grandlieu.
Résumé détaillé
La division en chapitres est éditoriale.
Le salon de la vicomtesse de Grandlieu : introduction au récit de Derville
Par une soirée d'hiver de 1829-1830, dans le salon de la vicomtesse de Grandlieu, ne restaient plus que quelques personnes après le départ des autres invités. Lorsque le jeune comte de Restaud quitta les lieux vers une heure du matin, la vicomtesse s'approcha de sa fille Camille qui se tenait debout près de la cheminée, écoutant le bruit du cabriolet qui s'éloignait.
La vicomtesse reprocha à sa fille sa conduite envers le jeune homme, lui expliquant que monsieur de Restaud avait une mère qui "mangerait des millions", une ancienne demoiselle Goriot qui s'était mal comportée avec son père. Malgré les qualités admirables du jeune comte, cette situation compromettait ses chances de mariage dans les bonnes familles.
C'est alors que Derville, l'ami de la famille qui avait gagné au piquet contre l'oncle de Camille, intervint dans la conversation. Il annonça qu'il avait une histoire à raconter qui pourrait modifier le jugement de la vicomtesse sur la fortune du comte Ernest de Restaud. L'avoué avait en effet rendu de grands services à madame de Grandlieu en l'aidant à récupérer ses biens confisqués pendant la Révolution.
Portrait de Gobseck : lusurier et ses principes
Derville commença son récit en évoquant l'époque où il n'était encore que second clerc et achevait sa troisième année de droit. Il habitait alors rue des Grès, dans une maison sombre et humide, ancienne dépendance d'un couvent. Son voisin était un personnage extraordinaire, un usurier du nom de Jean-Esther Van Gobseck.
Gobseck était un homme singulier au visage pâle comme du vermeil dédoré, aux cheveux gris cendrés soigneusement peignés, aux petits yeux jaunes sans cils qui craignaient la lumière. Son nez pointu était grêlé, ses lèvres minces rappelaient celles des alchimistes peints par Rembrandt. Il parlait d'une voix douce et ne s'emportait jamais. Son âge demeurait un mystère.
Né vers 1740 dans les faubourgs d'Anvers d'une Juive et d'un Hollandais, Gobseck avait embarqué dès l'âge de dix ans comme mousse pour les Indes hollandaises où il avait roulé pendant vingt années. Il avait connu les grands personnages de l'époque, de Lally à Tippo-Saeb, et avait tout tenté pour faire fortune. Un soir, Derville le trouva immobile dans son fauteuil, méditant sur ses affaires.
Gobseck exposa alors sa philosophie de la vie à son jeune voisin. Il expliqua que ses principes avaient varié selon les climats et les latitudes, que les conventions se modifiaient selon les lieux. Pour lui, seul l'instinct de conservation importait, et dans les sociétés européennes, cet instinct se nommait intérêt personnel.
L'or représente toutes les forces humaines... Il n'y a que des fous... qui puissent trouver du bonheur à battre les cartes... Il n'y a que des sots qui puissent employer leur temps...
L'usurier développa sa vision du monde, expliquant qu'il possédait une curiosité supérieure à celle des autres hommes. Il prétendait remplacer la science par la pénétration de tous les ressorts qui font mouvoir l'humanité.
Je possède le monde sans fatigue, et le monde n'a pas la moindre prise sur moi... Mon regard est comme celui de Dieu, je vois dans les cœurs.
Laffaire des diamants : la comtesse de Restaud et Maxime de Trailles
Gobseck raconta à Derville les événements de sa matinée. Il devait recevoir deux effets, dont l'un signé par une comtesse, l'autre par une certaine Fanny Malvaut. Le premier billet, d'une valeur de mille francs, avait été présenté par un jeune homme élégant, beau fils à gilets pailletés et à tilbury. La comtesse demeurait rue du Helder, Fanny rue Montmartre.
Gobseck se rendit d'abord chez la comtesse. Celle-ci était couchée, ayant rentré du bal à trois heures. Quand il revint à midi, il découvrit une femme d'une beauté saisissante, vêtue d'un peignoir garni de ruches blanches, un châle de cachemire jeté sur ses épaules nues. Sa chambre offrait le spectacle du luxe et du désordre, parsemée des débris d'une fête.
La comtesse demanda à Gobseck d'attendre, mais celui-ci répondit qu'il n'avait le droit de protester qu'à demain midi. Soudain, le comte entra dans la chambre. La comtesse présenta Gobseck comme un de ses fournisseurs. Quand l'usurier fit mine de sortir le billet, la jeune femme lui présenta un diamant en échange de son silence.
Ensuite, Gobseck se rendit rue Montmartre chez Fanny Malvaut. Il découvrit une jeune fille parisienne au cinquième étage, dans un appartement de deux chambres d'une propreté parfaite. Fanny était vêtue simplement, avec des cheveux châtains et des yeux bleus purs comme du cristal. Elle ouvrait du linge et incarnait le génie de la solitude et du travail honnête.
Plus tard, Derville fut entraîné dans un déjeuner de garçon où il rencontra Maxime de Trailles. Ce dandy élégant, joueur et séducteur, réussit à l'ensorcer et à obtenir de lui qu'il l'amène chez Gobseck le lendemain. Trailles prétendait avoir besoin d'une cinquantaine de mille francs pour sauver une femme honnête de la ruine.
Chez Gobseck, Trailles arriva accompagné de la comtesse de Restaud. Celle-ci apportait un écrin de diamants qu'elle voulait mettre en gage. Gobseck examina les pierres avec une passion extraordinaire, ses yeux brillaient d'un feu surnaturel. Il évalua les diamants et proposa quatre-vingt mille francs comptant, gardant les bijoux en garantie.
J'ai les diamants ! j'ai les diamants ! Les beaux diamants, quels diamants ! et pas cher... Ego sum papa ! je suis votre maître à tous !
Soudain, le comte de Restaud fit irruption, cherchant sa femme. Une confrontation s'ensuivit entre les époux. Derville intervint pour proposer une transaction, expliquant les risques juridiques de la situation. Finalement, un accord fut trouvé : le comte reconnut avoir reçu quatre-vingt-cinq mille francs de Gobseck contre la restitution future des diamants.
Lascension de Derville et les arrangements du comte de Restaud
Quelques jours après cette scène, Derville passa sa thèse et devint avoué. Gobseck lui prêta les cent cinquante mille francs nécessaires à l'acquisition de l'étude de son patron, moyennant un intérêt de quinze pour cent par an. L'usurier promit également de lui envoyer une clientèle lucrative. Derville accepta ces conditions et devint rapidement prospère.
Quelques années plus tard, le comte de Restaud vint consulter Derville. Il avait pris des informations sur Gobseck et souhaitait lui confier une mission délicate. Le comte voulait transférer tous ses biens à l'usurier par une vente simulée, afin de les préserver de sa femme et de les réserver à son fils aîné. Une contre-lettre secrète devait garantir la restitution de la fortune au jeune homme à sa majorité.
Le comte expliqua ses craintes concernant l'attachement de son fils pour sa mère et demanda à Derville de conserver la contre-lettre précieuse. L'avoué accepta, mais insista pour que les autres enfants du comte ne soient pas complètement déshérités. Cette demande émut profondément le comte, qui reconnut la justesse de cette observation.
Derville épousa Fanny Malvaut, qu'il aimait sincèrement. La conformité de leurs destinées et de leurs travaux renforça leurs sentiments. Un oncle fermier de Fanny, devenu riche, mourut en lui laissant soixante-dix mille francs qui aidèrent Derville à s'acquitter envers Gobseck. Leur bonheur était parfait.
Cependant, Derville n'avait toujours pas reçu la contre-lettre promise par le comte de Restaud. Inquiet, il interrogea Gobseck qui lui apprit que le gentilhomme était mourant. L'usurier expliqua que certaines âmes tendres ne savent pas tuer le chagrin et se laissent tuer par lui. Le comte était de ceux-là.
La mort du comte et la découverte des papiers brûlés
Derville se rendit rue du Helder pour voir le comte, mais la comtesse refusa de le laisser approcher de son mari. Elle avait établi une surveillance constante autour de la chambre du mourant, espérant découvrir où se trouvaient les documents concernant la fortune familiale. Le comte, de son côté, repoussait sa femme et ne voulait voir que son fils aîné Ernest.
Le comte, sentant sa fin approcher, confia à son fils Ernest un paquet cacheté destiné à Derville, lui demandant de le jeter à la poste. Mais la comtesse interrogea l'enfant et tenta de le convaincre que son père était fou et que des gens malveillants voulaient les ruiner. Une scène terrible éclata quand le comte surprit sa femme en train de corrompre leur fils.
Vous avez abreuvé ma vie de chagrins, et vous voulez troubler ma mort, pervertir la raison de mon fils, en faire un homme vicieux !
Le comte mourut dans la nuit. Derville et Gobseck arrivèrent à minuit et trouvèrent la comtesse dans la chambre mortuaire, au milieu d'un désordre effroyable. Elle avait forcé tous les tiroirs et brisé plusieurs meubles dans ses recherches. Le cadavre du comte gisait dans la ruelle du lit, dédaigneusement jeté comme une enveloppe vide.
Le cadavre du comte se trouvait dans la ruelle du lit... dédaigneusement jeté comme une des enveloppes de papier qui étaient à terre ; lui aussi n'était plus qu'une enveloppe.
La comtesse avait découvert les papiers cachés sous l'oreiller du mourant et les avait jetés au feu, croyant détruire un testament qui privait ses enfants de leur héritage. Mais Gobseck révéla alors qu'il était le légitime propriétaire des biens, ayant acheté la fortune du comte. La malheureuse femme comprit qu'elle avait ruiné ses propres enfants.
Les dernières années de Gobseck et sa mort
Gobseck vécut encore plusieurs années, gérant la fortune des Restaud et menant une existence de plus en plus étrange. Il accumula dans sa maison des présents de toutes sortes : pâtés, vins, argenterie, tableaux, bijoux. Sa passion pour l'or était devenue une véritable folie. Il refusait de vendre ses trésors, préférant les laisser pourrir plutôt que d'accepter des prix qu'il jugeait insuffisants.
Quand Derville le trouva mourant, le vieil usurier délirait, parlant de ses richesses cachées. Il mourut en gardant toute sa raison, après avoir évoqué sa seule héritière, une fille de sa nièce surnommée la Torpille. Dans ses derniers moments, il énuméra ses trésors avec une fantastique précision.
A qui tout le mien ira-t-il ? Je ne le donne pas au gouvernement... Il y a des pâtés de foie gras, des balles de café, des sucres, des cuillers d'or.
Lhéritage dErnest de Restaud et la conclusion
Après la mort de Gobseck, Derville découvrit dans sa maison des richesses considérables. L'usurier avait fidèlement conservé la fortune des Restaud. Ernest de Restaud, devenu majeur, put enfin entrer en possession de son héritage. Cette fortune lui permettait désormais d'épouser Camille de Grandlieu, tout en assurant des dots convenables à sa mère, son frère et sa sœur. L'histoire se terminait ainsi sur une note d'espoir pour les jeunes amoureux.