La Pauvre Lise (Karamzine)
Résumé très court
Près de Moscou, environ trente ans avant le récit du narrateur. Dans une petite cabane vivait Lise avec sa mère Catherine, veuve d'un paysan honnête.
Un jour, un jeune homme bien mis acheta ses fleurs et voulut payer plus que le prix demandé. Lise refusa. Il s'appelait Login.
Login visita leur cabane, gagna la confiance de Catherine et proposa d'acheter exclusivement le travail de Lise. Ils se rencontraient en secret au bord du fleuve. Login déclara son amour et Lise l'aima tendrement. Un soir d'orage, Lise perdit son innocence. Login changea, ses visites devinrent rares. Il annonça son départ pour la guerre et promit de revenir l'épouser.
Deux mois plus tard, Lise le rencontra à Moscou. Login lui donna cent roubles et lui ordonna de l'oublier. Il avait perdu sa fortune au jeu et épousé une riche veuve. Désespérée, Lise confia l'argent à une jeune fille pour sa mère.
En achevant ces paroles, la malheureuse Lise se jeta dans les flots... On l'enterra au bord de l'eau, à l'ombre du gros chêne.
Résumé détaillé
La division en chapitres est éditoriale.
Le narrateur et le lieu du drame
Un narrateur mélancolique aimait se promener sur une colline près de Moscou, où s'élevaient les tours gothiques du monastère de Saint-Siméon. De ce lieu, il contemplait la ville majestueuse avec ses dômes dorés, la Moskowa qui coulait en contrebas, et les vastes plaines parsemées de villages.
Parmi les ruines du monastère, le narrateur aimait particulièrement rêver au destin tragique d'une jeune paysanne.
Mais je me plais surtout, lorsque je parcours ces ruines, à rêver à la pauvre Lise ; car mon cœur ne craint pas de se livrer à une tendre émotion
Non loin du monastère se dressait encore une petite cabane déserte, sans portes ni fenêtres, où avait vécu trente ans auparavant la belle Lise avec sa vieille mère.
Lise et sa mère après la mort du père
Le père de Lise avait été un paysan honnête et laborieux qui cultivait ses petites possessions avec intelligence.
Tant qu'il vécut, la famille ne manqua jamais du nécessaire, mais après sa mort, sa femme et sa fille tombèrent dans la misère. Catherine, rongée par le chagrin, ne cessait de pleurer son époux.
Sa santé se détériorant, elle devint incapable de travailler. Lise, âgée de quinze ans, dut alors se charger de tous les soins du ménage.
Malgré sa jeunesse et sa beauté, elle filait, cousait, tricotait jour et nuit, et allait vendre à la ville des fleurs, des fraises et des framboises. Catherine admirait la tendresse de sa fille et la nommait le soutien de sa vieillesse. Quand sa mère lui exprimait sa reconnaissance, Lise répondait avec douceur :
Le ciel, répondait Lise, m'a donné la force de travailler, et vous, ma mère, vous m'avez nourrie de votre sein ; ce que vous fîtes pour mon enfance, c'est à moi aujourd'hui à le faire pour vous
La rencontre avec Login
Deux années s'écoulèrent ainsi. Au printemps, Lise recommença à cueillir des violettes et du muguet pour les vendre à Moscou. Un jour, un jeune homme bien mis et d'apparence agréable la rencontra et lui demanda le prix de ses fleurs. Quand elle répondit cinq kopecks, il voulut lui donner un rouble, mais Lise refusa, ne voulant recevoir que ce qui lui revenait.
L'inconnu lui proposa d'acheter désormais toutes ses fleurs et de ne plus en cueillir pour d'autres. De retour chez elle, Lise raconta cette rencontre à sa mère, qui la mit en garde contre les intentions des hommes envers les pauvres filles innocentes. Le lendemain, Lise cueillit le plus beau muguet et se rendit à Moscou, cherchant des yeux le jeune homme, mais ne le trouva pas.
Le soir suivant, alors qu'elle filait près de la fenêtre, Lise aperçut soudain Login devant sa maison. Il demanda à Catherine un verre de lait frais, et Lise s'empressa de le servir. Login charma rapidement la vieille femme par sa douceur et sa politesse, gagnant sa confiance.
Lamour secret et les rendez-vous nocturnes
Login était un jeune homme de naissance distinguée, d'esprit cultivé et naturellement bon, mais au caractère faible. Il avait mené une vie dissipée, cherchant le bonheur dans des plaisirs vains. Devenu mélancolique, il crut trouver en Lise la bergère idéale qu'il cherchait, et dans sa cabane l'humble chaumière où régneraient la paix et le bonheur.
Le lendemain matin, Lise se rendit au bord de la Moskowa avant l'aube, plongée dans une mélancolie qu'elle ne comprenait pas. Quand elle aperçut Login arriver en barque, tout son cœur frémit de plaisir. Il s'élança vers elle, prit sa main dans les siennes, et pressa ses lèvres contre celles de la jeune fille.
Je t'aime, Lise ! lui dit Login. Et ces mots, plus doux qu'une musique céleste, pénétrèrent jusqu'au fond de son âme.
La timidité de Lise se dissipa peu à peu, et Login comprit qu'il était aimé tendrement d'un cœur pur et incapable de feindre. Ils convinrent de se retrouver tous les soirs au bord du fleuve, dans la forêt ou près de la cabane, mais Login demanda à Lise de ne rien dire à sa mère, prétextant que la vieillesse était défiante.
Depuis ce jour, Login et Lise se virent chaque soir. Dès que Catherine était couchée, Lise s'éloignait pour rejoindre son amant. Ils s'asseyaient ensemble sur le rivage, se promenaient sous les bouleaux ou se plaçaient au pied d'un chêne antique près d'un petit lac. Leurs caresses étaient pures comme leur amour, et la pudeur pouvait encore voir leurs baisers sans voiler son front.
Login se promettait de ne chérir Lise que d'un amour pur et fraternel.
Non, se disait-il à lui-même, non, ce n'est que d'un amour pur, d'un amour de frère que je veux chérir cette aimable enfant. Loin de moi l'affreuse idée d'abuser jamais de sa tendresse
La séduction et la perte de linnocence
Quelques semaines s'écoulèrent ainsi. Un soir, Lise arriva triste et les yeux rouges. Elle expliqua à Login qu'un jeune paysan riche du village voisin l'avait demandée en mariage et que sa mère voulait qu'elle l'épouse.
Catherine pleurait et se désolait que sa fille ne veuille rien faire pour son bonheur, car elle ne mourrait pas tranquille si elle ne la voyait mariée avant sa mort. Login jura à Lise que rien au monde ne lui était plus cher que son bonheur, et qu'après la mort de Catherine, il l'emmènerait à la campagne où ils couleraient leurs jours dans la joie. Quand Lise objecta qu'elle n'était que la fille d'un paysan, Login répondit qu'il méprisait de vains préjugés.
Enchantée, Lise se jeta dans ses bras, et bientôt l'instant fatal à son innocence arriva. Une émotion inconnue s'empara de Login ; jamais Lise ne lui avait paru si belle. L'obscurité qui les enveloppait favorisait le délire du jeune homme. Lise, sans soupçon comme sans expérience, ne connaissait pas le danger et resta sans crainte entre les bras de son bien-aimé.
Ah ! pauvre Lise, où est ta mère ? Hélas ! où est ton innocence ?
L'ivresse de Lise ne dura qu'un instant. Cette sensation inconnue l'étonna plus qu'elle ne la ravit. Un orage éclata soudain, et Lise, tremblant de toutes ses forces, dit à Login qu'elle craignait que la foudre ne la cherche comme une coupable. Login la rassura et la reconduisit à la cabane, lui promettant qu'ils seraient par la suite aussi heureux qu'auparavant.
Le départ de Login pour la guerre
Leurs rendez-vous continuèrent, mais tout avait changé. Les caresses innocentes de Lise ne suffisaient plus à Login, qui exigeait toujours davantage. Lise n'était plus un ange à ses yeux ; son innocence perdue ne pouvait plus enflammer son imagination. Ce sentiment de respect et d'adoration qu'il éprouvait d'abord avait fait place à un autre sentiment qui n'était plus nouveau pour lui.
Souvent Login disait à Lise qu'il ne pourrait pas quitter Moscou le lendemain, retenu par des affaires indispensables. Ces mots faisaient venir les larmes aux yeux de la pauvre Lise. Une fois, elle resta cinq jours entiers sans le voir. Le sixième soir, il parut enfin et lui annonça d'un air triste qu'il devait partir pour la guerre, son régiment ayant reçu l'ordre de marcher.
Lise pâlit et ses forces furent prêtes à l'abandonner. Login l'assura qu'il ne cesserait jamais de l'aimer et qu'il espérait pouvoir se réunir pour toujours à elle à son retour. Ils convinrent que le lendemain serait le jour de leurs adieux. Login prit aussi congé de Catherine, qui ne put retenir ses larmes en apprenant le départ du bon et aimable jeune homme.
La trahison de Login et son mariage
Deux mois s'écoulèrent depuis le départ de Login. Un jour, Lise se rendit à Moscou pour acheter des remèdes pour sa mère. Un équipage brillant s'arrêta près d'elle, et elle reconnut Login qui en descendait. Elle se précipita vers lui avec un cri de joie, mais il pâlit en la voyant. Il l'entraîna en silence vers son appartement et lui parla froidement :
Lise, les circonstances sont changées ; je ne suis plus libre, et je te conseille, pour mon repos et pour le tien, de m'oublier.
Il lui donna cent roubles, l'embrassa une dernière fois et la fit reconduire hors de l'hôtel par ses valets. Login n'était pas allé à l'armée mais avait joué et perdu sa fortune. Pour rétablir ses affaires, il avait épousé une veuve vieille et riche dont il avait autrefois rejeté les avances avec mépris.
Le suicide de Lise et ses conséquences
Frappée comme d'un coup de foudre, Lise sortit de l'hôtel sans savoir ce qu'elle faisait. Une seule pensée l'obsédait :
Il m'a chassée !... il en aime une autre !... je suis perdue ! furent les seules idées qui s'offrirent à elle.
Arrivée au bord du petit lac où elle avait connu le bonheur, Lise appela la fille d'un voisin et lui donna la bourse de Login.
Dis-lui que je me suis rendue bien coupable envers elle, en lui cachant mon amour pour un barbare..... qui m'a trompée. Prie-la de me pardonner
Puis la malheureuse Lise se jeta dans les flots. On parvint à la retirer du lac, mais elle était morte. Quand Catherine apprit la mort de sa fille, le désespoir s'empara d'elle et ses yeux se fermèrent pour toujours. Login fut malheureux jusqu'à sa mort, s'accusant d'être le meurtrier de Lise.