La veillée (Maupassant)
TrÚs bref résumé
France, fin du XIXe siĂšcle. Une vieille femme mourut paisiblement, laissant derriĂšre elle deux enfants dĂ©vastĂ©s par sa perte : Le fils magistrat, sĂ©vĂšre et rigide moralement, et Marguerite (sĆur Eulalie), religieuse fanatique.
La nuit suivant sa mort, ses enfants découvrirent dans un tiroir de vieilles lettres de famille et décidÚrent de les lire pour revivre sa mémoire. Parmi ces documents intimes figurait une lettre troublante :
« Mon adorĂ©e, je t'aime Ă en perdre la tĂȘte... Je sens tes lĂšvres sous les miennes, tes yeux sous mes yeux, ta chair sous ma chair. Je t'aime, je t'aime ! Tu m'as rendu fou. Mes bras s'ouvrent, je halĂšte... »
Troublés, ils comprirent que leur mÚre avait eu une liaison adultÚre. Profondément choqués, ils refermÚrent les lettres, alors que le fils, juge sévÚre, condamna moralement sa mÚre avant de quitter définitivement la chambre funÚbre.
Résumé détaillé
La division en chapitres est éditoriale.
La défunte et ses enfants en deuil
Une femme ùgée venait de mourir paisiblement. Elle reposait dans son lit, les yeux fermés, les traits calmes, ses longs cheveux blancs soigneusement arrangés. Son visage reflétait la sérénité d'une vie sans trouble et d'une mort sans remords.
Elle était morte sans agonie, tranquillement, comme une femme dont la vie fut irréprochable ; et elle reposait maintenant dans son lit, sur le dos, les yeux fermés, les traits calmes, ses longs cheveux blancs soigneusement arrangés...
Ă genoux prĂšs du lit se trouvaient son fils, un magistrat aux principes inflexibles, et sa fille Marguerite, devenue sĆur Eulalie aprĂšs ĂȘtre entrĂ©e en religion. Tous deux pleuraient leur mĂšre qui les avait Ă©levĂ©s dans une morale intraitable.
La visite du prĂȘtre
Des coups lĂ©gers frappĂ©s Ă la porte interrompirent les pleurs des enfants. Un prĂȘtre entra, rouge et essoufflĂ© aprĂšs son dĂźner. Il venait proposer son aide pour veiller la dĂ©funte pendant la nuit.
SĆur Eulalie refusa poliment son offre, expliquant que son frĂšre et elle souhaitaient rester seuls avec leur mĂšre pour ces derniers moments. Le prĂȘtre s'inclina, fit une brĂšve priĂšre et sortit en murmurant que la dĂ©funte Ă©tait une sainte.
Une fois le prĂȘtre parti, les enfants restĂšrent seuls avec la morte. Par la fenĂȘtre ouverte entraient les odeurs des foins et des bois, accompagnĂ©es d'une douce clartĂ© de lune. Une paix profonde semblait Ă©maner du corps de la dĂ©funte et apaiser la nature environnante.
Une paix infinie, une divine mĂ©lancolie, une silencieuse sĂ©rĂ©nitĂ© entouraient cette morte, semblaient s'envoler d'elle, s'exhaler au-dehors, apaiser la nature mĂȘme.
Souvenirs et douleur des enfants
Submergés par la douleur, le magistrat et la religieuse appelÚrent leur mÚre à travers leurs sanglots. AprÚs cette crise de désespoir, ils se calmÚrent peu à peu et recommencÚrent à pleurer plus doucement.
En contemplant le corps de leur mÚre, les souvenirs affluÚrent dans leur esprit. Ils se rappelaient des moments partagés, des paroles prononcées, des sourires échangés. Ils prenaient conscience, dans leur chagrin, de l'immensité de leur amour pour elle et de l'ampleur de la perte qu'ils venaient de subir.
Et ils l'aimaient comme ils ne l'avaient jamais aimée. Et ils s'apercevaient, en mesurant leur désespoir, combien ils l'avaient chérie, combien ils allaient se trouver maintenant abandonnés.
Ils rĂ©alisaient que leur mĂšre avait Ă©tĂ© leur soutien, leur guide, le lien avec leurs ancĂȘtres. Sans elle, ils se sentaient dĂ©sormais isolĂ©s, incapables de regarder derriĂšre eux.
La religieuse proposa alors Ă son frĂšre de lire les vieilles lettres que leur mĂšre conservait dans son tiroir. Ce serait comme revivre toute sa vie prĂšs d'elle cette nuit-lĂ , comme faire connaissance avec leurs grands-parents qu'ils n'avaient jamais connus.
La découverte des lettres damour
Ils prirent dans le tiroir plusieurs paquets de lettres jaunies et soigneusement ficelées. Ils choisirent d'abord celles portant la mention « PÚre » et commencÚrent à les lire à haute voix. C'étaient de vieilles lettres familiales, commençant par « Ma chérie », « Ma belle petite fille » ou « Ma chÚre enfant ».
SĆur Eulalie suggĂ©ra qu'ils devraient mettre toutes ces lettres dans la tombe de leur mĂšre, pour l'ensevelir avec ses souvenirs. Elle prit ensuite un autre paquet, sans inscription particuliĂšre, et commença Ă lire une lettre passionnĂ©e qui parlait d'amour ardent et de dĂ©sir.
Surpris par le contenu, le magistrat s'Ă©tait redressĂ©. Il arracha la lettre des mains de sa sĆur et chercha la signature. Il n'y avait que le prĂ©nom « Henry » sous les mots « Celui qui t'adore ». Or, leur pĂšre s'appelait RenĂ©.
Le fils fouilla rapidement dans le paquet et lut une autre lettre tout aussi passionnée. Debout, sévÚre comme à son tribunal, il regarda le corps immobile de sa mÚre.
Le jugement silencieux
Le magistrat traversa lentement la chambre jusqu'Ă la fenĂȘtre et resta immobile, le regard perdu dans la nuit. Quand il se retourna, sa sĆur se tenait toujours debout prĂšs du lit, la tĂȘte baissĂ©e, les yeux secs.
Il s'approcha, ramassa vivement les lettres et les rejeta pĂȘle-mĂȘle dans le tiroir. Puis il ferma les rideaux du lit, comme pour dissimuler la dĂ©funte Ă leurs regards.
Lorsque l'aube fit pĂąlir les bougies qui veillaient sur la table, le fils quitta lentement son fauteuil. Sans regarder une derniĂšre fois sa mĂšre, qu'il avait dĂ©jĂ condamnĂ©e dans son esprit, il dit Ă sa sĆur qu'il Ă©tait temps de se retirer.
Et quand le jour fit pĂąlir les bougies qui veillaient sur la table, le fils lentement quitta son fauteuil, et sans revoir encore une fois la mĂšre qu'il avait sĂ©parĂ©e d'eux, condamnĂ©e, il dit lentement : « Maintenant, retirons-nous, ma sĆur. »