Le Vieux (Maupassant)
Résumé très court
Ferme normande, fin du XIXe siècle. Un homme entra dans la cour de la ferme.
Sa femme l'informa que son père agonisait depuis deux jours.
Le couple s'inquiétait davantage du retard causé aux travaux des champs que de la mort du vieillard. Chicot partit inviter les gens pour l'enterrement prévu le lendemain, annonçant prématurément le décès. Phémie prépara des douillons pour les invités. Le lendemain, le père respirait encore. Les invités arrivèrent pour les funérailles, mais le vieux n'était pas mort. On leur offrit quand même les douillons préparés.
Il était mort, en effet... On n'avait pas fini de mâcher les boules. Il avait mal choisi son moment, ce gredin-là.
Résumé détaillé
La division en chapitres est éditoriale.
Lagonie du père Chicot et les calculs des héritiers
Par un tiède soleil d'automne, dans une ferme normande entourée de grands hêtres, un homme âgé d'une quarantaine d'années mais paraissant en avoir soixante entra dans la cour. Il marchait lentement, alourdi par de lourds sabots pleins de paille, ses bras trop longs pendant le long de son corps tordu et ridé.
Sa femme sortit de la maison, le corps osseux et plat moulé dans un caraco de laine. Son bonnet blanc jauni couvrait quelques cheveux collés au crâne, et sa figure brune, maigre et édentée montrait cette physionomie sauvage qu'ont souvent les paysans.
Elle lui annonça que le curé avait dit que c'était la fin, que le vieux ne passerait point la nuit. Ils entrèrent dans la chambre basse et noire où agonisait le père de la paysanne.
Les préparatifs: invitations funéraires et douillons
Un bruit régulier, rauque, une respiration dure, râlante, sifflante avec un gargouillement d'eau comme celui que fait une pompe brisée, partait de la couche enténébrée
où se mourait le vieillard. Le gendre et sa femme regardèrent le moribond de leur œil placide et résigné, constatant que cette fois c'était fini. Mais ils s'inquiétaient surtout du dérangement que cela causait pour les travaux des champs, car le temps était bon pour repiquer les cossards le lendemain.
La femme eut alors une idée pratique : puisque le vieux allait passer, on ne l'enterrerait pas avant samedi, ce qui laisserait le temps pour les cossards. Mais il fallait inviter les gens pour l'enterrement, et cela prendrait cinq à six heures d'aller de Tourville à Manetot chez tout le monde. Madame Chicot suggéra à son mari de commencer la tournée le soir même.
— Tout d' même, j'y vas... Pisque t'as point d'ouvrage, loche des pommes à cuire, et pis tu feras quatre douzaines de douillons pour ceux qui viendront à l'imunation
dit le gendre avant de partir faire sa tournée d'invitations. Il mangea soigneusement une tranche de pain avec du beurre salé, puis s'éloigna vers Tourville. Sa femme se mit aussitôt à préparer la pâte aux douillons et alla cueillir des pommes.
Larrivée des invités et lembarras du mort vivant
Le voisin, maître Osime Favet le maire, passa dans la journée et madame Chicot lui cria que c'était samedi l'enterrement à sept heures. Elle continua ses préparatifs, enveloppant les pommes dans la pâte pour faire quarante-huit douillons. Mais quand son mari rentra vers cinq heures, le vieux respirait encore. Le lendemain matin, à leur grand étonnement, il n'était toujours pas mort.
Les époux s'inquiétèrent de cette résistance inattendue du mourant. Ils allèrent voir le maire qui promit de fermer les yeux et d'autoriser l'enterrement le lendemain. L'officier de santé s'engagea aussi à antidater le certificat de décès pour obliger maître Chicot. Le couple rentra tranquille et se coucha.
Le troisième matin, le vieux n'était toujours point mort. Les époux furent atterrés.
Ils restaient debout, au chevet du père, le considérant avec méfiance, comme s'il avait voulu leur jouer un vilain tour, les tromper, les contrarier par plaisir
et ils lui en voulaient du temps qu'il leur faisait perdre. On ne pouvait plus prévenir tous les invités qui allaient arriver. Vers sept heures moins dix, les premiers apparurent : les femmes en noir avec de grands voiles, les hommes gênés dans leurs vestes de drap. Maître Chicot et sa femme, effarés, leur expliquèrent l'aventure en se désolant. Les invités, un peu déçus, ne savaient que faire. Mais l'idée des douillons égaya tout le monde.
La mort enfin: délivrance et nouveaux soucis
On sortit la table devant la porte et tout le monde se mit à manger les douillons dorés et appétissants. Maître Chicot, la bouche pleine, déclara que si le père les voyait, cela lui ferait deuil car c'était lui qui les aimait de son vivant. Un gros paysan jovial répliqua qu'il n'en mangerait plus maintenant, que c'était leur tour à eux.
Soudain, une vieille paysanne qui était restée près du moribond apparut à la fenêtre et s'écria d'une voix aiguë qu'il avait passé. Il était mort en effet, ayant mal choisi son moment alors qu'on n'avait pas fini de mâcher les douillons. Les Chicot ne pleuraient plus, ils étaient tranquilles mais contrariés.
— Faudra tout d' même r'cuire quatre douzaines de boules ! Si seulement il avait pu s' décider c'te nuit ! — Ça n' serait pas à r'faire tous les jours.