Pierre et Jean (Maupassant)
Résumé très court
Le Havre, fin du XIXe siècle. La famille Roland, composée du père ancien bijoutier, de la mère Louise et de leurs deux fils Pierre et Jean, vivait paisiblement rue Belle-Normande. Pierre était médecin.
Jean était avocat. Les deux frères courtisaient discrètement Madame Rosémilly, une jeune veuve fortunée.
Un soir, le notaire Lecanu annonça une nouvelle stupéfiante : Léon Maréchal, un vieil ami de la famille décédé récemment, avait légué toute sa fortune à Jean - vingt mille francs de rente. Pierre ressentit immédiatement un malaise inexplicable face à cette préférence incompréhensible.
Les soupçons de Pierre grandirent. Il se souvint que Maréchal avait été particulièrement proche de sa mère Louise.
Pierre découvrit que Maréchal avait été blond comme Jean dans sa jeunesse et qu'un portrait de lui avait mystérieusement disparu. Torturé par ses doutes, Pierre reconstitua la vérité : sa mère avait eu une liaison avec Maréchal et Jean était leur fils.
Un soir, la tension explosa entre les frères. Pierre révéla brutalement la vérité à Jean :
Je dis ce que tout le monde chuchote, ce que tout le monde colporte, que tu es le fils de l'homme qui t'a laissé sa fortune.
Jean épousa Madame Rosémilly. Pierre s'embarqua comme médecin sur la Lorraine pour New York. La famille vint lui dire adieu sur le paquebot. Madame Roland, les cheveux blanchis, regarda s'éloigner le navire qui emportait son fils aîné.
Résumé détaillé par chapitres
Les titres des chapitres sont éditoriaux.
Chapitre 1. La partie de pêche et les premiers soupçons de Pierre sur lhéritage
Par un beau jour d'été, la famille Roland était partie en mer pour une partie de pêche à bord de leur bateau la Perle. Le père Roland, ancien bijoutier parisien retraité au Havre, passionné de navigation, s'impatientait car le poisson ne mordait plus depuis midi. Il reprocha aux femmes de les avoir fait partir trop tard, ce qui contraria sa femme Louise et leur invitée.
Les deux fils Roland accompagnaient leurs parents : Pierre, l'aîné, et Jean, le cadet. Pierre était médecin, homme de trente ans aux favoris noirs, intelligent mais changeant et souvent amer. Jean était avocat, grand garçon blond très barbu, plus calme et doux que son frère. Tous deux courtisaient discrètement Madame Rosémilly, jeune veuve fortunée qui fréquentait la famille depuis l'hiver.
Au retour, ils aperçurent des paquebots entrant au port du Havre. Roland reconnut la Normandie grâce à sa longue-vue. De retour à terre, ils se promenèrent dans la ville avant de rentrer chez eux rue Belle-Normande. Leur bonne Joséphine les informa qu'un clerc de notaire était venu trois fois et que Monsieur Lecanu viendrait en personne dans la soirée. Cette nouvelle troubla la famille, car une visite de notaire évoquait toujours des affaires importantes.
Chapitre 2. Les errances nocturnes de Pierre et sa rencontre avec Jean
Le notaire Lecanu annonça une nouvelle stupéfiante : Léon Maréchal, un vieil ami de la famille décédé récemment, avait légué toute sa fortune à Jean - vingt mille francs de rente. Cet homme avait été un ami très proche des Roland à Paris, dînant souvent chez eux. La famille accueillit cette nouvelle avec joie, mais Pierre ressentit immédiatement un malaise inexplicable. Après le départ du notaire, il sortit se promener seul dans la nuit, troublé par cette préférence incompréhensible.
Chapitre 3. Les projets d'avenir de Pierre et ses soupçons croissants
Pierre se réveilla avec la résolution de faire fortune rapidement. Il calcula qu'en tant que médecin au Havre, il pourrait gagner cent vingt mille francs par an. Il partit chercher un appartement et découvrit un bel entresol boulevard François-Ier, mais le prix l'arrêta car il n'avait pas d'argent d'avance. Pendant ce temps, sa mère et Jean visitaient des magasins pour meubler le futur cabinet d'avocat de Jean. Au déjeuner, la famille discuta de l'aménagement, Pierre donnant son avis avec une certaine aigreur.
Nos tendances ne sont pas les mêmes ! Moi, je ne respecte au monde que le savoir et l'intelligence, tout le reste est méprisable.
Pierre demanda à sa mère si elle avait retrouvé un petit portrait de Maréchal qui se trouvait autrefois dans leur salon parisien. Elle hésita avant de répondre qu'elle le chercherait. Roland se souvenait parfaitement de ce portrait et révéla que sa femme l'avait manipulé récemment. Cette révélation troubla Pierre davantage, car sa mère avait menti en prétendant ne pas savoir où il se trouvait. Les soupçons de Pierre commencèrent à prendre forme : pourquoi Maréchal avait-il tout légué à Jean et rien à lui ?
Chapitre 4. Les tourments de Pierre et son voyage à Trouville
Pierre passa une nuit agitée, hanté par ses soupçons. Le lendemain, il partit pour Trouville afin de s'éloigner de sa famille et réfléchir. Sur la plage, il observa la foule élégante avec amertume, voyant dans toutes ces femmes parées des créatures de séduction. Il déjeuna seul et s'assoupit sous un tilleul. Au retour, il rencontra une fille de brasserie qui lui fit une remarque troublante sur la ressemblance entre lui et Jean, insinuant que Jean avait plus de chance que lui.
Il avait mal quelque part, sans savoir où. Il portait en lui un petit point douloureux, une de ces presque insensibles meurtrissures dont on ne trouve pas la place.
Cette remarque frappa Pierre comme un coup de foudre. La fille avait-elle deviné que Jean pourrait être le fils de Maréchal ? Pierre se rendit chez le vieux pharmacien Marowsko, qui confirma ses craintes en déclarant que cet héritage « ne ferait pas bon effet ». De retour chez lui, Pierre était de plus en plus convaincu que sa mère avait eu une liaison avec Maréchal et que Jean était le fils de ce dernier. Cette pensée le torturait, mais il ne pouvait plus l'écarter de son esprit.
Chapitre 5. La nuit d'insomnie de Pierre et la confrontation avec la vérité
Pierre ne put dormir de la nuit. Il reconstitua mentalement tous ses souvenirs de Maréchal : cet homme de soixante ans à la barbe blanche qui les recevait souvent à dîner, qui avait aidé la famille lors de la scarlatine de Pierre enfant, qui apportait toujours des fleurs à sa mère. Pierre se rappela soudain que Maréchal avait été blond dans sa jeunesse, comme Jean. Il se souvint aussi du petit portrait qui avait mystérieusement disparu quand la barbe de Jean avait commencé à pousser, révélant sa ressemblance avec le défunt.
Donc j'ai été jaloux de Jean, pensait-il. C'était vraiment assez bas, cela ! J'en suis sûr maintenant.
Pierre sortit dans la nuit brumeuse et se dirigea vers la jetée. Là, dans le brouillard, au son des sirènes des navires perdus, il laissa libre cours à sa douleur. Il reconstitua toute l'histoire : sa mère, mariée à un homme vulgaire, avait rencontré Maréchal, homme cultivé et sensible. Elle était devenue sa maîtresse et Jean était né de cette liaison. Maréchal était resté fidèle à cette femme éloignée et avait légué sa fortune au fils qu'il ne pouvait reconnaître officiellement. Pierre était maintenant certain de cette vérité terrible.
Chapitre 6. La cruauté de Pierre envers sa mère et les souffrances de celle-ci
De retour à la maison, Pierre ne put supporter la vue de sa mère. Connaissant désormais son secret, il devint cruel envers elle, multipliant les allusions blessantes et les remarques perfides. Madame Roland, comprenant que son fils avait deviné la vérité, sombra dans un état de souffrance permanente. Elle pâlissait, maigrissait, était prise de crises de nerfs. Pierre la torturait consciemment, incapable de maîtriser sa colère et son dégoût, tout en souffrant lui-même de faire souffrir celle qu'il avait tant aimée.
Jean, absorbé par son installation dans son nouvel appartement, ne comprenait pas l'attitude de son frère qu'il attribuait à de la jalousie. Il vivait désormais presque entièrement dans son logis du boulevard François-Ier et ne rentrait que pour dîner et dormir. L'atmosphère familiale devenait de plus en plus pesante, Pierre et sa mère s'évitant du regard, chacun sachant que l'autre connaissait le terrible secret.
Chapitre 7. L'excursion à Saint-Jouin et la demande en mariage de Jean
Pour célébrer l'installation de Jean, la famille organisa une excursion à Saint-Jouin avec Madame Rosémilly et le capitaine Beausire. Ils partirent en break à travers la campagne normande dorée par les moissons. À l'auberge de la belle Alphonsine, ils déjeunèrent puis décidèrent d'aller pêcher des crevettes dans les rochers à marée basse. Madame Rosémilly, vêtue d'une jupe prêtée et d'espadrilles, était charmante dans ce costume improvisé.
Jean, qui hésitait depuis longtemps à épouser Madame Rosémilly, se décida enfin en la voyant si gracieuse. Pendant la pêche aux crevettes, ils se retrouvèrent seuls dans les rochers. Jean lui déclara son amour et lui demanda sa main. Elle accepta avec simplicité et pragmatisme, précisant qu'elle ne voulait pas déplaire à ses futurs beaux-parents. Ils convinrent de se marier dans six semaines. Le soir, au dîner, l'atmosphère était joyeuse malgré la tension persistante entre Pierre et sa mère.
Pierre, de plus en plus agacé par le bonheur de son frère, but beaucoup de champagne. Quand Roland porta un toast, Pierre fit des remarques désobligeantes sur les dangers de l'alcool pour la santé de son père. Madame Rosémilly le regarda avec réprobation, devinant sa jalousie. L'ambiance se tendit, et Pierre quitta la table plus tôt, laissant les autres continuer la fête.
Chapitre 8. Le réconfort de Jean et la décision de départ de Pierre
Un soir, la tension explosa entre les deux frères. Jean reprocha à Pierre ses manières désagréables, particulièrement envers Madame Rosémilly qu'il allait épouser. Pierre, exaspéré, laissa échapper la vérité : il révéla à Jean que leur mère avait été la maîtresse de Maréchal et que Jean était le fils de ce dernier, non de Roland. Jean fut d'abord incrédule, puis bouleversé. Pierre, réalisant l'énormité de ce qu'il venait de dire, s'enfuit de la maison.
Jean, resté seul, entendit sa mère pleurer dans la chambre voisine. Il la rejoignit et la trouva effondrée sur son lit. Quand il lui demanda si c'était vrai, elle confirma courageusement la révélation de Pierre. Jean, au lieu de la rejeter, la consola avec une tendresse infinie. Il lui dit qu'il l'aimait et qu'il la garderait toujours près de lui. Madame Roland, bouleversée par cette réaction inattendue, lui raconta son histoire d'amour avec Maréchal.
C'est vrai, mon enfant. Pourquoi mentir ? C'est vrai. Tu ne me croirais pas, si je mentais.
Elle lui expliqua qu'elle avait vraiment aimé Maréchal, qu'il avait été toute sa vie, sa joie, son espoir. Elle ne regrettait rien et l'aimerait jusqu'à son dernier souffle. Pour qu'ils puissent continuer à vivre ensemble, il fallait que Jean accepte d'être le fils de Maréchal sans en avoir honte. Jean accepta, mais le problème de Pierre demeurait : comment continuer à vivre avec lui ? Jean promit à sa mère de trouver une solution pour la sauver de la cruauté de son frère aîné.
Chapitre 9. Le départ de Pierre sur le paquebot transatlantique
Le lendemain, Jean suggéra habilement à Pierre de s'embarquer comme médecin sur un paquebot transatlantique. Il lui parla des avantages de cette profession : bon salaire, voyages, expérience. Pierre, comprenant que c'était une façon de l'éloigner, accepta cette solution. Il écrivit à ses anciens professeurs de médecine pour obtenir des lettres de recommandation. Grâce aux relations de Jean et aux appuis de Roland, Pierre fut rapidement nommé médecin de la Lorraine, qui devait partir pour New York.
Elle tombe du ciel pour Jean, dit-elle, mais Pierre ? [...] Pierre se trouve ainsi très désavantagé.
Les derniers jours avant le départ furent pénibles. Pierre vivait en étranger dans la maison familiale, évitant les regards de sa mère et de son frère. Sa mère lui acheta discrètement le linge et les vêtements nécessaires pour son voyage. La veille du départ, Pierre demanda à sa famille de venir lui dire adieu sur le bateau. Il coucha pour la première fois à bord de la Lorraine, dans sa petite cabine qui lui rappelait un cercueil.
Le jour du départ, toute la famille se rendit sur le paquebot. Dans l'entrepont, Pierre découvrit avec émotion la foule misérable des émigrants qui partaient vers l'Amérique avec leurs familles, fuyant la misère. Ses parents, Jean et Madame Rosémilly vinrent dans sa cabine pour les derniers adieux. L'atmosphère était tendue et douloureuse. Madame Roland, très pâle, les cheveux maintenant tout blancs, embrassa son fils avec des gestes mécaniques.
Je n'ai plus ni père ni mère, mon pauvre enfant... adieu.
La famille quitta le navire et embarqua sur la Perle avec le capitaine Beausire pour voir partir la Lorraine depuis la mer. Quand l'immense paquebot sortit du port, ils l'aperçurent au loin. Pierre était visible à l'arrière, agitant les bras pour dire adieu. Madame Roland, bouleversée, regardait s'éloigner le navire qui emportait son fils vers l'inconnu.
Il lui semblait que la moitié de son cœur s'en allait avec lui, il lui semblait aussi que sa vie était finie.
De retour à terre, Roland annonça joyeusement à sa femme que Jean allait épouser Madame Rosémilly. Madame Roland, l'esprit encore troublé par le départ de Pierre, acquiesça machinalement, disant qu'elle était heureuse de ce mariage. Ainsi se terminait cette histoire de famille déchirée par un secret du passé : Pierre parti en exil volontaire, Jean sur le point de se marier, et une mère qui avait payé très cher un amour d'autrefois.